Il était une fois…
dans un royaume situé dans l’ouest du Cameroun, un roi qui avait fait un rêve. Il vint alors vers ses conseillers avec l’ordre que chacun d’entre eux lui dessine des caractères reliés à des idées, des objets et des mots :


“Je veux rendre la parole visible” leur dit-il.

 Plus qu’un mythe, il s’agit de la véritable histoire de la création de l’écriture nommé aussi l’alphabet a ka u ku.

Premiers essais

Inspiré par la découverte du Coran et de son rayonnement, connaissant l’arabe et sûrement l’alphabet vaï (Libéria), le roi veut créer son livre avec un alphabet qui sera propre à la langue de son peuple.

Le Ibrahima


« Si vous dessinez beaucoup de choses différentes, et que vous les nommez, je ferai un livre qui parlera sans qu’on l’entende. »

La création de l’alphabet débute en 1895. Lorsque ses disciples reviennent vers le roi trouvant  la tâche est impossible, sa majesté se met elle-même au travail. Le roi dessine plusieurs croquis qu’il ajoute à ceux de ses conseillers avant de les soumettre à ses proches.  

Dessous et usage de l’écriture bamoun

Composé au départ d’idéogrammes et de pictogrammes, l’alphabet est simplifié au fil des années pour que les signes soient liés à des syllabes. En 1918, après trois grandes transformations l’alphabet du royaume atteint sa version finale et passe de 500 signes à 80. Utilisé dans les 47 écoles ouvertes par le roi à travers le royaume, la langue et l’alphabet bamoun se propagent rapidement à un grand nombre de citoyens, et est aussi enseigné aux fils des rois bamilékés environnants.

Au delà du système scolaire, l’alphabet est utilisé dans l’administration et dans le domaine de la santé pour l’édition de traitements pharmaceutiques.

 

Rayonnement

La littérature se développe dans le royaume sur la base de cette écriture, qui est utilisée durant tout le règne du roi. Le établit par écrit l’histoire de sa dynastie, celle du pays et des coutumes de son peuple. Il participe aussi à la typologie de son royaume suite à une longue expédition. 

Le souverain s’en sert aussi contre le pouvoir allemand installé au Cameroun. Si ce dernier laisse une liberté d’action importante au roi, l’empire français fera tout l’inverse.


Le Sultan Ibrahim Njoya en 1917. (C) Africa Media 7

Déchéance, fin et renaissance

Suite au Traité de Rome à la fin de la Première Guerre Mondiale de 1914-1918, la France s’installe et interdit l’utilisation de l’alphabet en 1924. Elle retire plusieurs attributions au roi avant de le chasser en 1931. Il meurt en exilé, à Yaoundé, en 1933.

Ce système d’écriture a été rétabli par le sultan actuel des au Cameroun, Ibrahim Njoya. Il a inséré son enseignement dans les écoles de l’enceinte du palais aux plus jeunes afin qu’il ne disparaisse pas complètement.

 

Selon des scientifiques, cet alphabet serait tout à fait adaptable à l’écriture d’autres langues africaines, recouvrant aussi bien les langues bantoues que les langues à tons.

Un roi dont le rayonnement et l’histoire fascinante (abrogation de nombreux privilèges, création d’une religion située entre islam et christianisme,…) sont à découvrir pour les plus curieux…

Source : Lécriture du roi Njoya: Une contribution de l’ à la culture de la modernité, Emmanuel Matateyou, Editions L’Harmattan, 15 juin 2015 – 398 pages