« Ali bomaye ! Ali bomaye ! Ali bomaye ! Ali bomaye ! »

24 octobre 1974. Kinshasa. Cette nuit, dans le stade du 24 novembre, la foule en délire, debout, hurle, certains se sautent dans les bras, d’autres pleurent. L’ancien champion du monde poids lourd, la belle gueule qui aime répéter «I amthe greatest », vient de remporter « le combat du siècle » face à George Foreman.  Le est au premier rang d’un match suivi dans le monde entier.

Le champion du peuple

L’histoire d’amour entre et le peuple commence bien avant que l’homme ne pose son pied sur le sol zaïrois. Elle est commune à toute l’Afrique, où le boxeur est un héros. Sa fierté, sa personnalité, ses pics, son engagement pour la communauté noire, son amour déclaré pour l’ et son charisme séduisent l’entièreté du continent. C’est donc lui qui est le plus attendu. Georges Foreman ? Mohammed Ali ne se gêne pas pour l’insulter, le moquer, mimer sa défaite et son souffle court face à lui, l’imbattable adversaire. Pour son public africain, trouve même une stratégie lui réservant totalement ses faveurs, dès sa descente de l’aéroport.

Source : mediacongo.net

Dans l’avion, il demande à son équipe de lui dire qui est le plus grand ennemi des congolais. La réponse ? L’ancien colonisateur belge. Arrivé à destination, il proclame tout de suite à la foule qui l’attend : « Je suis le meilleur de tous les temps et Foreman est un belge ! ». Sa femme, elle, est habillée à la mode africaine. Foreman, lui n’a rien compris à la bataille psychologique et médiatique. C’est ainsi qu’il arrive flanqué de son chien berger allemand. Ce qui est déjà un signe, pour le peuple, qu’il ne veut pas être approché.  Pis encore, c’est rappeler aux zaïrois le souvenir du fidèle compagnon de l’ancien colon belge. Foreman, termine ainsi lui-même, la mission de sabotage débuté par son adversaire.  Pas que les soient contre lui. Ils sont simplement pour Mohamed Ali : «Ali bomaye ! » : « Ali, tue-le ! » en lingala, deviendra leur refrain.

Le peuple encense son héros, par ce qui deviendra une hymne, reprise dans les médias du monde entier. Ce peuple, ce sont les zaïrois que l’on appelait encore congolais, trois ans plus tôt. Leur président, Mobutu Sese Seko, donne avec cet événement, un rang international à son pays. C’est aussi lui qui a imposé le lingala au rang de langue nationale. Mais le langage est surtout et aussi popularisé grâce à la musique congolaise et ses artistes connus dans toute l’Afrique. Tabu Ley Rochereau, TP OK Jazz, pour ne citer qu’eux : la rumba et le ndombolo séduisent tout le continent, et au delà. veut être proche de ce peuple là. Quand il court le long du Boulevard Lumumba, les citadins  le suivent en l’acclamant. Et l’ancien champion le leur rend bien. Il parle avec les gens, sert des mains, s’infiltre quelques minutes dans les quartiers pour saluer les enfants,…

Impact

Alors le soir du match, les n’attendent que lui. Il est 3h00 du matin. fait durer le match, se réfugie dans les cordes et touche peu son adversaire après un premier round où il est pourtant le plus combattif. Sa stratégie : épuiser Foreman. Alors plutôt que de combattre et de chercher le corps à corps, Mohamed Ali parle. Aussi bien à la foule qu’il rassure et avec qui il joue, qu’à son adversaire qu’il provoque afin de le déstabiliser. Il invite la foule à scander son nom. Foreman est épuisé. Le doute s’est étendu au fil d’un match dans lequel la foule ne réagit qu’aux coups de Mohamed Ali. Tout ça, après un séjour difficile (il se blesse lors de l’entraînement) où il se trouve démuni en termes de soutien. Enfin, le 8ème round proclame la victoire du « Greatest of All Time ». Une heure après la fin du match, Kinshasa est enseveli sous un torrent de pluie qui atteindra bientôt un mètre de hauteur. Un signe de la main des ancêtres dans le pays.


Moke, Sans titre (Match Ali-Foreman, Kinshasa), 1974.
source : https://africanlinks.net/2016/08/09/mohamed-ali-1942-2016-en-3-oeuvres/

« Ali bomaye ! » La victoire de est intrinsèque à ce cri du peuple qui vibra et sera entendu au-delà des frontières du pays et du continent noir. Le Congo n’oubliera jamais ce match ni cet hymne, qui sera dès lors repris par un panel de stars afro-américaines, dont les Fugees, jusque dans les années 2010 The Game et des chanteurs de bien d’autres horizons. Le match sera quant à lui, repris dans plusieurs films et documentaires à la gloire de Mohamed Ali.